Promenade dans la Librotte
"Les cabanes de Blauzac"
Une balade originale...
Cette randonnée (facile) dans les cabanes de Blauzac est proposée depuis plusieurs années par l'Association de La Librotte (créée en 1995 à l'initiative d'André POTIN et d'André FERRAND).
Compter de 1h30 à 2h30 heures pour faire le parcours de 7 km et voir l'essentiel des cabanes (mais pas toutes !).
Ne surtout pas oublier de visiter le site de La Librotte (un terrain municipal) avec ses Trois Cabanes (voir le plan ci-dessous).
Les documents reproduits ici sont la propriété de La Librotte.
Un dépliant est disponible gratuitement en Mairie de Blauzac.
C'est quoi une cabane ?
Frédéric MISTRAL, dans Lou Trésor dóu Félibrige, fournit un grand nombre de sens au mot cabano, dont celui qui nous intéresse ici.
Les cabanes (en Uzège, en Pays nîmois), ou capitelles, ou bories (en Provence) sont de petites constructions en pierres sèches. Seules les pierres servant à encadrer la porte, les petites ouvertures (quand il y en a) et parfois les linteaux sont taillées. La technique est assez simple et consiste à maitriser l'art de l'encorbellement. Les cabanes sont composées de deux parements de pierres (intérieur et extérieur).
Leur forme et leur taille peuvent varier beaucoup.
Elles servaient autrefois d'abris aux bergers, aux chasseurs, aux paysans. Elles permettaient éventuellement de mettre à l'abri des récoltes.
Elles accompagnent les terres pauvres, caillouteuses et voisinent avec les innombrables murs (parfois très larges) et les clapas (tas de pierres).
Elles sont la marque d'une culture populaire. Mais aussi d'une époque où les paysages étaient différents des nôtres : plus "ouverts", avec plus d'olivettes ou de vignes, sur des terres que l'homme se contentait de "gratter" avec un simple araire tiré par un âne la plupart du temps, par une mule pour les plus riches.
Les anciennes cartes postales des "années 1900" permettent de se faire une idée de l'évolution de ces paysages : autrefois entièrement cultivées et aujourd'hui boisées (la "garrigue" s'étend).
De quand datent-elles ?
Une recherche commencée dès 1979 par Christiane CHABERT, puis Marcel DURET, a recensé toutes les cabanes de l'Uzège qui avaient une date "sûre" gravée sur une pierre.
Le graphique ci-dessous synthétise l'enquête pour les 46 cabanes uzégeoises datées.
Une ordonnance royale de 1774 décide "la reprise de la taille [= l'impôt] pour cinq ans à toute personne remettant des biens en valeur". Justement, dans les collines blauzacoises de la Librotte, du Code ou de Malaïgue, les registres de délibérations municipales nous apprennent qu'au début du 18e siècle il y a de nombreuses parcelles abandonnées (fait assez général en Languedoc après les terribles crises de la fin du règne de Louis XIV et la dépopulation). Il était donc très intéressant après 1774 de défricher ces parcelles...
NB : Une étude semblable menée dans les Pouilles (sud de l'Italie) ne fournit pas les mêmes conclusions : peu de constructions avant les années 1820, un pic plutôt dans les années1860 - 1910, et des cabanes encore édifiées jusque dans les années 1950. Il parait évident qu'il y a un lien entre pauvreté paysanne, pression démographique et pression sur la terre (défrichements).
Cabanes & mazets...
Ne pas confondre les cabanes et les mazets (ou masets).
Ces derniers sont des constructions plus élaborées, avec un plan assez stéréotypé, des pierres montées au mortier, une charpente en bois, des toitures en tuiles canal et parfois même une cheminée et un étage.
Contrairement aux cabanes, les mazets sont référencés sur les cadastres depuis le 19e siècle.
Ils n'appartiennent pas toujours à des paysans du village. Sur le "cadastre napoléonien", beaucoup de mazets au nord du terroir de Blauzac sont possédés par des bourgeois, des artisans ou des ouvriers uzétiens.
Les mazets sont d'ailleurs souvent utilisés et occupés les dimanches et les jours de fête. Ils participent soit de la vie rurale du village (un lieu de travail), soit de la sociabilité urbaine (un lieu de repos, de loisirs, de retrouvailles en famille, entre amis).
Cette "culture mazetière" est une forme originale de la sociabilité méridionale, bien connue à Nîmes ou à Marseille, un lieu unique entre la ville et la campagne. Une revue nîmoise s'appelle même Le Mazetier au début du 20e siècle.
Tardivement, certains mazets ont été habités et transformés en maison classique (conséquence de la pression foncière urbaine et de l'augmentation vertigineuse du prix des terrains).
Les cabanes : un patrimoine peu à peu remis en valeur...
Ce petit patrimoine vernaculaire (les murs, les clapas, les cabanes, les mazets, les puits, etc) est désormais remis en état, et mis en valeur depuis les années 1980 environ.
L'Uzège, le Pays nîmois, la Vaunage, le Sommiérois ou le Bagnolais comptent un grand nombre de cabanes et mazets.
Mais Blauzac fait partie des villages les mieux dotés par le nombre et l'originalité de certaines cabanes.
Christiane CHABERT en a inventoriées 80 (dont 2 datées) à Blauzac et André FERRAND 65 dans les collines au nord du village (Librotte, Code, Malaïgue, etc). Arpaillargues en aurait une centaine.
Grâce au travail infatigable d'André FERRAND, à la Mairie et à l'Association de La Librotte, vous pouvez désormais les admirer...
Librotte ?
On ne connait pas avec certitude l'origine de ce toponyme.
Pour certains, il désigne des "terres libres", celles que les seigneurs et les gros propriétaires délaissaient parce que trop pauvres et surtout trop éloignées du village.
Pour d'autres, il fait référence à l'occitan brots = touffes, broussailles, buisson, etc (Lou Trésor dóu Félibrige).
Le "cadastre napoléonien" (1816) emploie le toponyme la librotte, mais pas le compoix de 1649 qui évoque, en revanche, les toponymes las cabanas et cabanis.
Complément bibliographique
- Antoine BIGOT (1825 - 1897), Li Bourgadieiro, Les filles des faubourgs, Poésies patoises (dialecte de Nîmes), Montpellier, Les Presses du Languedoc et RIRESC, 1998, 263 p. Réédition d'un livre paru en 1862 à Nîmes. Edition critique et traduite en occitan par Georges GROS et Jean-Marie MARCONOT. Notamment les deux poèmes "Un céban de la Placèto" et "Le Vieux mazet" (p. 254-256). Mais aussi la "Cansoun di rachalan" (p. 88-89).
Voir le PDF ci contre (merci à André POTIN qui m'a aidé à traduire en occitan) :
- Alfred CHABAUD, L'Uzège et la région bagnolaise, Etude de géographie physique, économique et humaine, Uzès, Ateliers Henri Peladan, 2 tomes, 1966 et 1967, 207 et 255 p.
- Christiane CHABERT, Architecture vernaculaire du Pays d'Uzège, Les cabanes des collines de l'Uzège, 18e-19e siècles, fascicule de 40 p. Blauzac est traité aux p. 29-39.
- Guilhem FABRE, Jean PEY, En garrigue nîmoise, Nîmes, Editions Notre-Dame, 1991, 141 p.
- Christian LASSURE (texte), Dominique REPERANT (photos), Cabanes en pierre sèche de France, Edisud, 2004, 240 p.
- Albert ROUX, Œuvres d'Albert Roux, Textes occitans et traduction, Dessins, Edition critique et projet pédagogique, Publication du Lycée Charles-Gide d'Uzès, 1985, 110 p. La lecture du poète Sanilhacois Albert ROUX (1871 - 1935) permet de mieux comprendre la vie paysanne en Uzège à une époque où les cabanes étaient encore utilisées. Lou Terraïre de moun Péis (parla de Saniha) est une longue poésie où ROUX décrit le terroir et le village de Sanilhac, en évoquant aussi Collias et Uzès, mais pas Blauzac. Dans Bernouin din la luna et l'ensalada a la broca, ROUX évoque - avec humour évidemment - la "gara de Malaiga" à Blauzac !
On peut aussi comparer ROUX au poète-paysan Alfred MERIC (1870 - 1953), qui était d'Aureillac, et qui considérait BIGOT comme son vrai maître.
Il n'y a malheureusement pas - à notre connaissance - de poète-paysan ou de poète-artisan équivalent pour Blauzac.
- Les nombreuses publications du CERAV : Centre d'Etudes et de Recherches sur l'Architecture Vernaculaire (Christian LASSURE, Martine SEEMAN, etc).